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Publish date: 2023-05-24 12:00:11
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Dans la torpeur de l’été morbihannais, l’engin en impose. En ce début d’après-midi ensoleillé du samedi 5 août 2017, les vacanciers du camping Port Sable d’Arzon assistent à un drôle de spectacle. Au milieu des catamarans et des planches à voile s’avance un yacht flambant neuf de 85 mètres de long et de trois étages, battant pavillon des îles Caïman. Le bateau ralentit puis s’arrête, pour mouiller à quelques hectomètres des côtes bretonnes, dans la petite baie d’Arzon.
Ce mastodonte des mers, qui abrite neuf cabines, un héliport ou encore un spa, est baptisé Areti, du nom de l’entreprise gazière et pétrolière de son propriétaire, le milliardaire russo-turkmène Igor Makarov. Cycliste professionnel du temps de l’Union soviétique, l’oligarque a su profiter de la chute de cette dernière pour bâtir une fortune importante, évaluée à 2 milliards de dollars (1,85 milliard d’euros), essentiellement dans le secteur du gaz, au Turkménistan et en Russie.
M. Makarov, qui fait partie des quarante personnes les plus riches de Russie, est aussi un homme qui compte dans l’univers du cyclisme. Aux côtés de Vladimir Poutine et du géant gazier russe Gazprom, il est notamment à l’origine de la création, en 2008, de Katusha, la première équipe russe du World Tour, qui rassemble les meilleures formations mondiales. Il est en outre président d’honneur de la fédération russe de cyclisme et membre, depuis 2011, du comité directeur de l’Union cycliste internationale (UCI), la fédération basée à Aigle, en Suisse. Dans cette position stratégique, l’oligarque dispose d’une influence qui se mesure aux millions de dollars de sponsoring qu’il fait pleuvoir depuis des années sur le cyclisme professionnel.
Ascension fulgurante
Celle-ci n’est pas étrangère à l’escale incongrue de l’Areti dans la baie du Morbihan, en cet été 2017. Igor Makarov vient en effet rendre visite à une autre éminence du cyclisme : David Lappartient, maire depuis 2008 de la commune voisine de Sarzeau. Proche de Nicolas Sarkozy, ce pur politicien, travailleur infatigable mû par son ambition, a réalisé une ascension fulgurante dans les instances cyclistes. Elu président de la Fédération française de cyclisme (FFC) en 2009, cet ancien coureur amateur est également à la tête de l’Union européenne de cyclisme (UEC) depuis 2013. Prochaine étape : l’élection du président de l’UCI, qui doit se tenir un mois et demi plus tard, le 21 septembre 2017 – on prète à Igor Makarov le pouvoir d’y faire et d’y défaire les rois.
La tentation est forte d’imaginer que cette élection, que finira par remporter M. Lappartient, se joue ce samedi 5 août 2017 au large d’Arzon. Des sources locales évoquent des allers-retours en hélicoptère, une fête arrosée sur le yacht, et un rendez-vous discret de M. Lappartient avec un occupant du bateau, dans la commune voisine de Saint-Gildas-de-Rhuys. « Je me souviens que David a profité de cette occasion pour faire un tour de vélo avec les occupants du bateau, se remémore Roland Tabart, maire d’Arzon et proche de M. Lappartient. Ils ont travaillé sur le bateau et à terre. On peut supposer que cela avait un lien avec l’élection à venir. »
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