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Publish date: 2023-03-18 23:00:09
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« On me considère enfin comme Française ! », s’enthousiasme la dessinatrice de BD et réalisatrice Marjane Satrapi, qui s’est vu confier le dessin de la tapisserie des Jeux olympiques (JO) de Paris 2024 par le prestigieux Mobilier national. A cinq cents jours de l’événement sportif, la première partie de ce triptyque vient d’être dévoilée à la Manufacture de Beauvais – l’un des ateliers de l’établissement public –, où elle était tissée depuis deux ans d’après l’œuvre originelle créée par l’artiste en 2021.
Huit lissières des manufactures nationales des Gobelins et de Beauvais ont été mobilisées pour réaliser cette tapisserie de 9 mètres de haut sur 3,3 mètres de large, qui sera terminée peu avant les Jeux et qui constitue le premier projet porté par l’Olympiade culturelle Paris 2024. Le Mobilier national, créé sous Henri IV et spécialisé dans l’ameublement des bâtiments officiels de la République française, avait choisi l’autrice franco-iranienne de Persepolis, (2000-2003), BD vendue à quatre millions d’exemplaires à travers le monde, pour « sa reconnaissance internationale et ses valeurs d’universalisme ».
« Je me sens un peu comme Marjane la Bourbonne », s’amuse la Parisienne de 53 ans, qui a passé la majeure partie de sa vie en France, au point d’avoir « toujours » des escargots de Bourgogne au congélateur. « J’étais très enthousiasmée par cette commande, mais aussi superangoissée, confie-t-elle. Il fallait réaliser quelque chose à la hauteur de l’enjeu. »
Javelot, breakdance, skateboard
Elle s’y est appliquée « très sérieusement », adaptant son style, vif, franc, épuré, aux exigences de lisibilité. D’où la référence visuelle à la tour Eiffel, symbole de Paris par excellence, et l’idée de triptyque, comme une fresque à travers l’histoire des JO, du lancer de javelot, incarné par une femme, à la breakdance et au skateboard, en passant par le centre, où deux athlètes représentent la parité inédite de ces Jeux – pour la première fois, autant d’hommes que de femmes y participeront.
« Le sport est le seul endroit qui justifie de distinguer les hommes des femmes, en raison de conditions physiques différentes », souligne Marjane Satrapi, qui exècre les assignations genrées, en particulier au cinéma ou en littérature : « Je ne fais pas mes films avec mes nichons ! »
Autre contrainte : le temps. Trop de détails et de couleurs risquaient d’allonger le travail des artisanes. « Une tapisserie peut prendre neuf ans », rappelle l’artiste. Elle s’est concentrée sur dix-neuf teintes parmi les 16 000 disponibles, avec une dominante de bleus aux doux noms de skyline clair », « nuage foncé » ou « bleu terre », comme l’indique le nuancier des licières de la Manufacture des Gobelins, rue Berbier-du-Mets, dans le 13e arrondissement de Paris, sous lequel coule toujours la Bièvre.
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